La fausse couche est malheureusement un événement fréquent. On estime que 15 à 20 % des grossesses se terminent par une fausse couche, le risque de fausse couche augmentant avec l’âge (surtout au-delà de 40 ans).
Le plus souvent, une fausse couche survient dans les toutes premières semaines de grossesse : généralement avant les 10 premières semaines de grossesse (jusqu’à 15 semaines d’aménorrhée).
Une fausse couche, c’est l’interruption naturelle d’une grossesse. Elle a pour cause généralement une anomalie de l’œuf. Elle est d’ailleurs considérée comme une sorte de « régulation naturelle ». On parle aussi d’avortement spontané.
On distingue la fausse couche précoce (avant 12 semaines de grossesse ou 14 semaines d’aménorrhée) et la fausse couche tardive (après 12 semaines de grossesse). Le plus souvent, il s’agit d’une fausse couche précoce (fausse couche du 1er trimestre).
Cet avortement naturel peut être un vrai traumatisme pour la femme qui le vit. Surtout lorsque la grossesse est assez avancée. Généralement des investigations sont réalisées en cas de récidive de fausse couche pour tâcher d’en identifier la raison.
Dans cet article, nous ferons un tour d’horizon de toutes les questions que se posent les femmes craignant ou ou ayant subi une fausse couche, telles que :
- Quels sont les signes et les causes d’une fausse couche ?
- Qu’est-ce qui se passe après une fausse couche ? Quels examens sont effectués ?
- Peut-on envisager une grossesse tout de suite après avoir fait une fausse couche ?
Seront évoqués en particulier :
- les fausses couches à répétition et
- les fausses couches tardives, mais aussi les fausses couches précoces.
Les causes et les signes
Les causes d’une fausse couche
Une fausse couche peut avoir des causes très diverses. On distingue très nettement :
- les fausses couches isolées, liées aux anomalies chromosomiques ; et
- les fausses couches à répétition, liées à des problèmes hormonaux, de malformation, ou chromosomiques.
Il peut s’agir, par exemple, d’une anomalie de l’œuf qui s’élimine naturellement, d’un problème concernant la mère, comme une malformation au niveau du col ou de l’utérus, ou d’un dysfonctionnement hormonal.
Ces causes peuvent être facilement repérées et traitées. Et, surtout, si vous êtes concernée, sachez que ces fausses couches, même lorsqu’elles se répètent, ne diminuent pas vos chances d’avoir des enfants par la suite.
Les signes d’une fauche couche
Les premiers signes de la fausse couche sont : des saignements et des douleurs abdominales.
De petites pertes de sang, en début de grossesse, peuvent être physiologiques, normales, même si elles doivent toujours être signalées au médecin. Cela peut être un petit décollement du trophoblaste (le futur placenta).
Mais lorsque les saignements deviennent abondants et continus, accompagnés de caillots, alors ils peuvent être le premier signe d’une fausse couche.
Ces saignements sont souvent accompagnés de douleurs, proches de celles de grosses règles ou de crampes abdominales. Dans la plupart des cas, les fausses couches précoces sont dues à une anomalie de l’œuf : une anomalie chromosomique, un simple accident au moment de la conception. L’ embryon n’est pas viable, et l’organisme maternel l’élimine. Il peut s’agir d’un œuf clair (sans embryon dedans) ou d’un œuf contenant un nombre anormal de chromosomes.
À noter : Ces accidents sont liés au hasard et ne mettent pas en péril les grossesses futures.
Après une fausse couche
Après une fausse couche, l’échographie est le premier examen à effectuer. C’est cette échographie qui va confirmer la fausse couche. Plusieurs cas de figures peuvent se présenter :
1er cas : L’œuf est éliminé spontanément. Vous pouvez rentrer chez vous. Ne banalisez pas cet accident. Il est souvent traumatisant. Laissez-vous choyer, et parlez-en autour de vous. Vous avez besoin de réconfort. Mais dites vous bien que ce n’est qu’un accident et que vous pouvez, sans attendre, mettre une nouvelle grossesse en route.
2ème cas : L’œuf est éliminé, mais de manière incomplète. Il reste encore des morceaux de trophoblaste sur les parois de l’ utérus. Le médecin peut vous prescrire des comprimés de prostaglandines qui vont provoquer des contractions, et vous permettre d’éliminer ce qui reste. Si le traitement de prostaglandines est inefficace, le médecin peut alors vous proposer un curetage ou une aspiration, comme lors d’un avortement volontaire.
3ème cas : L’œuf n’est pas éliminé. Il faut attendre quelques jours. Votre médecin peut vous demander, si vous supportez l’idée de garder cet œuf en vous, d’attendre qu’il s’élimine spontanément. C’est l’abstention. Pas de traitement.
4ème cas : Au bout de plusieurs jours, l’œuf n’est toujours pas éliminé. Il faut alors envisager une aspiration, ou un curetage, ou encore un traitement médical pour faciliter l’expulsion spontanée. En cas de curetage, l’intervention se fait sous anesthésie générale. L’ hospitalisation est de courte durée.
Dans tous les cas, après une fausse couche précoce, vous pouvez redémarrer une grossesse dès le mois suivant.
Les fausses couches à répétition
On l’a dit, une fausse couche est, le plus souvent, un simple accident sans conséquence. Pourtant, il arrive que certaines femmes répètent ces avortements naturels. On parle de fausses couches à répétition, à partir de trois fausses couches. Il faut alors déterminer la cause de ces répétitions. Pour cela, le médecin va devoir mener une enquête :
- Il va d’abord chercher un éventuel diabète.
- Il va, ensuite, établir le caryotype des parents : c’est l’étude des chromosomes. Une simple prise de sang est alors nécessaire. Le caryotype va permettre de déterminer d’éventuelles anomalies génétiques.
- Il va, également, chercher une éventuelle malformation au niveau de l’utérus ou un fibrome. Pour cela certains examens vont être nécessaires. L’examen de référence est la radiographie de l’utérus : l’hystérographie. Cette radio va permettre de dévoiler une éventuelle malformation de l’utérus : une malformation congénitale, comme un utérus bicorne ou un utérus cloisonné (cela s’opère très facilement).
- Grâce à l’hystérographie, on pourra également détecter un éventuel « accolement « de la paroi utérine (liée le plus souvent à des avortements antérieurs). Une petite intervention chirurgicale pourra généralement réparer ce problème.
- Un bilan infectieux et immunologique sera également pratiqué. Il permettra de déceler une infection du col, par exemple, ou un trouble immunologique. Dans le cas d’un trouble immunologique, l’embryon est « analysé » par l’organisme de la mère, comme un corps étranger qu’il va chercher à évacuer.
- Il peut, également, s’agir de troubles de la coagulation : des caillots de sang se forment dans la circulation placentaire, qui provoquent une fausse couche. Le traitement préconisé est alors de l’aspirine à faible dose, ou éventuellement un corticoïde à faible dose.
- Les problèmes hormonaux doivent être recherchés. Ces dysfonctionnements hormonaux peuvent venir des ovaires (qui fabriquent trop d’ androgènes, par exemple), ou de la thyroïde.
Lorsque le médecin ne parvient pas à déterminer la cause de ces fausses couches à répétition, il proposera un traitement à base d’un corticoïde ou d’aspirine, et parfois d’anticoagulants, avant le début de la grossesse suivante.
Les fausses couches tardives
On parle de fausse couche tardive quand elle survient après 12 semaines de grossesse (donc 3 mois de grossesse ou 14 semaines d’aménorrhée) – mais avant 20 semaines.
Lorsque la fausse couche se produit avant 12 semaines de grossesse (14 semaines d’aménorhée), on parle de fausse couche précoce.
Les causes de la fausse couche tardive
Les causes de la fausse couche tardive sont souvent bien différentes des celles de la fausse couches précoce.
Dans la plupart des cas, c’est une béance du col de l’utérus qui est en cause. Une béance naturelle liée à la morphologie, ou une béance due à des curetages précédents répétés, ou à une intervention chirurgicale sur le col de l’utérus.
C’est l’hystérographie (radiographie de l’utérus) qui va permettre de déterminer un diagnostic précis.
Que faire en cas de fausse couche tardive ?
Lors d’une fausse couche tardive, une hospitalisation est nécessaire.
Le rhésus maternel doit être vérifié systématiquement. S’il est négatif, une injection d’anticorps (ou gammaglobulines) anti-D est pratiquée pour éviter les problèmes d’incompatibilité rhésus, lors des prochaines grossesses.
L’expulsion de l’ embryon ou du fœtus ressemble alors à un accouchement. Il se fera sous péridurale ou sous anesthésie générale.
Lors des grossesses suivantes, un cerclage peut être proposé. Si la béance du col de l’utérus est en cause, un petit fil sera placé autour du col de l’utérus, dès le troisième mois de grossesse. Il permettra de resserrer le col, et de tenir le fœtus jusqu’à son terme. Le cerclage est retiré le dernier mois de la grossesse.
Un bébé tout de suite après ?
Pour nos grand-mères, faire une fausse couche faisait partie de l’ordre naturel des choses. Même si cela pouvait les attrister, au même titre que nous, elles n’avaient probablement pas l’illusion que nous avons, nous, de maîtriser la vie ! Une illusion qui nous vient des progrès de la technologie.
Les tests de grossesse, nous permettent de savoir, quasiment en temps réel, que nous sommes enceintes. Les échographes, de plus en plus sophistiqués, nous permettent de voir notre bébé, dès ses premières heures. Dans le cas d’une grossesse médicalement assistée, nous connaissons quasiment l’heure de la conception…
Résultat : la fausse couche, pourtant naturelle, nous semble intolérable. L’entourage et les médecins doivent tenir compte de cette difficulté nouvelle pour les femmes. La fausse couche entraîne une douleur morale qu’il ne faut pas banaliser. Une aide psychologique peut être nécessaire, comme pour un travail de deuil.
Un bébé tout de suite après la fausse couche ?
Médicalement, rien ne s’oppose à redémarrer une grossesse le mois suivant. Parfois, le médecin propose une contraception le temps d’un cycle, le temps de laisser la muqueuse utérine se reconstituer. Cependant, dans la tête, la reconstruction peut être plus lente.
Certaines femmes ont besoin d’un temps de deuil, avant de repartir vers une nouvelle grossesse. Le temps de reprendre confiance. D’évacuer le traumatisme psychologique. Le rôle de l’entourage, et notamment du père, est primordial.
Les conseils du gynécologue
Les conseils du professeur Henri-Jean Philippe, chef du service de gynécologie obstétrique au CHU de Nantes.
Quel conseil pourriez-vous donner aux femmes qui ont vécu une fausse couche ?
D’abord, si la fausse couche est précoce, ne pas culpabiliser et ne pas trop s’inquiéter pour l’avenir. Une fausse couche, c’est un événement naturel : une sorte de régulation. Si l’œuf est expulsé, c’est qu’il n’était pas viable. Soit que la transmission des informations chromosomiques ne s’est pas bien faite, soit que l’œuf était vide : pas d’ embryon.
Donc, il s’agit d’un simple accident. La mère n’y est pour rien.
Une fausse couche ou même des fausses couches à répétition, n’empêchent pas d’avoir d’autres grossesses normales et des enfants. Mais cela n’empêche pas le chagrin de la perte. Surtout si la grossesse a été difficile à obtenir. Il y a tout un investissement affectif dont il faut faire le deuil. Et lorsque la fausse couche est tardive, le choc est d’autant plus rude.
En pratique, que peut-on faire ?
C’est toujours un traumatisme psychologique et affectif pour une femme. Elle se sent en échec, touchée dans sa féminité et dans sa maternité. Elle doit en parler et se faire aider si elle se sent trop déprimée. C’est important aussi pour les grossesses à venir, ett pour éviter les somatisations ( maux de tête, maux de ventre, angoisses…). Il est important qu’elle comprenne ce qui vient de lui arriver. Les médecins sont là pour expliquer. Il est important qu’elle soit consolée et écoutée par son entourage. L’événement, même s’il est banal du point de vue physiologique, ne l’est jamais du point de vue psychologique.
Les fausses couches mettent-elles en danger une grossesse à venir ?
Dans la plupart des cas, non ! D’abord, ces accidents sont banals, le plus souvent. Une nouvelle grossesse peut être envisagée dès le mois suivant. Et lorsque les cas sont plus compliqués, lorsqu’il s’agit d’une malformation ou d’un problème hormonal, les médecins ont, maintenant, les moyens de traiter les pathologies en cause.
Nous avons de bons moyens d’investigation pour établir des diagnostics précis : l’hystérographie est le premier examen d’exploration. Mais nous avons aussi les échographes en 3D qui permettent une visualisation précise de l’ utérus. Nous avons les IRM, également. Quant aux traitements, notamment hormonaux, ils ont énormément progressé ces dernières années. Donc, il est de plus en plus rare que les fausses couches ne trouvent pas une solution médicale permettant de les éviter durant les grossesses suivantes.
Le témoignage d’une femme
Témoignage de Solange, 35 ans, qui raconte pourquoi sa fausse couche fut pénible…
Vous avez fait une fausse couche à deux mois de grossesse. C’était votre premier enfant ?
Non, heureusement. Car cela a déjà été très choquant pour moi. Et j’avais déjà ma fille qui avait cinq ans. J’imagine… quand c’est la première grossesse, cela doit être l’horreur !
Comment cela s’est-il produit ?
Après avoir eu ma fille, pendant des mois et des mois, j’ai essayé d’avoir un autre enfant. Pendant sept, huit mois, on a essayé. Mais rien ! Avec mon mari, on était sur le point de faire des examens quand je suis tombée enceinte. On était vraiment contents. On l’a annoncé à toute la famille et à notre fille aussi.
Et puis, au bout de deux mois, un soir, j’ai perdu du sang. Je n’ai rien senti, j’avais juste une tache de sang dans mon slip. On est parti très vite aux urgences où l’on m’a fait une échographie. On m’a dit que c’était une fausse couche. Je suis restée dormir à l’hôpital. Le lendemain matin, j’ai senti un caillot plus gros que les autres. J’ai regardé. C’était le bébé. Très choquant. Cette image traumatisante, je l’ai toujours en tête. Mais je me suis dit que c’était bien de l’avoir vu quand même, comme pour dire au revoir, pour aider à faire le deuil.
Comment avez vous fait, après ?
Cela a été très dur. J’avais l’impression d’avoir perdu un bébé, pas qu’un embryon. À l’hôpital j’ai eu l’impression qu’on ne me prenait pas très au sérieux, que c’était quelque chose de banal… Depuis plusieurs semaines, c’était mon bébé que je portais. J’ai eu le sentiment qu’on ne me comprenait pas. Même dans ma famille, ils étaient gentils avec moi, mais je me sentais seule avec un chagrin que les autres ne comprenaient pas. Un chagrin intime. Je continuais à penser et à parler à ce bébé qui m’avait quittée.
Et votre mari ?
Il n’y a que mon mari qui me comprenait, car lui aussi espérait ce bébé. Lui aussi a vécu cette perte comme un véritable deuil. Heureusement que je l’avais près de moi, vraiment. Et puis, nous avons décidé de laisser passer un cycle seulement et de recommencer. Et ça a marché tout de suite. J’ai directement été enceinte de mon fils. Mais, vous voyez, je pense toujours à ce petit bébé que j’ai perdu. Comme si j’avais eu trois enfants. Pas deux.