Les parlementaires sont actuellement en pleine révision et discussion des lois de bioéthique. Les décisions les plus importantes concernent certainement celles liées à l’aide médicale à la procréation (PMA), avec les traitements mis en place en cas de stérilité…
Quelles nouvelles dispositions vont adopter nos élus ? Parmi les points à débattre, la levée de l’anonymat pour les donneurs de sperme et d’ovocytes, qui modifierait l’approche du don et la notion de parentalité, suscite déjà des réactions…
Interview du Dr Muriel Flis-Trèves
> Quelles nouveautés apporte ce projet de loi en ce qui concerne la PMA ?
Dr Muriel Flis-Trèves : L’un des grands points de ce projet de loi concerne l’anonymat du don de sperme et du don d’ovocytes*. Les enfants nés de l’un de ces dons pourront demander à connaître l’identité du donneur si celui-ci est d’accord. En revanche, si le donneur refuse, l’enfant aura tout de même la possibilité d’obtenir des informations non identifiantes, comme la couleur des cheveux, la catégorie socio-professionnelle…
De plus, cette mesure serait rétroactive, c’est-à-dire qu’elle pourrait s’appliquer aux enfants nés de dons dans le passé, et qui seraient aujourd’hui à la recherche de l’identité de leur géniteur.
> Certains pensent que la levée de l’anonymat risque de faire baisser le nombre de donneurs. Qu’en pensez-vous ?
Dr M. F-T : Je pense que dans un premier temps, cela sera sans doute le cas. Mais comme l’expérience suédoise nous l’a montré, la baisse de donneurs ne dure qu’un temps, mais remonte rapidement. Cela s’explique par l’effet de surprise, d’interrogation, de réflexion, que cette mesure engendre avant que les donneurs prennent leurs marques.
> Et mis à part la levée de l’anonymat ?
Dr M. F-T : D’autres points vont être révisés, comme la mise en place d’une nouvelle technique : la vitrification d’ovocytes qui consiste à congeler les ovocytes, permettant une meilleure conservation et une utilisation optimale.
Les couples hétérosexuels pacsés pourront en principe également avoir recours à l’aide médicale à la procréation, au même titre que les couples mariés.
*NDLR : Si la levée de l’anonymat du don des gamètes est bien dans le projet de loi, il n’est pas encore certain que cette mesure soit adoptée par l’Assemblée nationale. Certains n’y sont pas favorables, comme l’actuel ministre de la Santé, Xavier Bertrand.
La PMA pour les couples homosexuels ?
> En ce qui concerne le contexte général de la procréation médicalement assistée (PMA), rien ne semble changer : les couples homosexuels et les femmes seules en sont encore exclus. Comment expliquez-vous cette restriction ?
Dr Muriel Flis-Trèves : Je pense que cela devrait évoluer. Mais en France, on a tendance à rester accroché à la notion de « famille » en tant que un père + une mère = un enfant. Et cette idée-là, très ancrée dans les esprits, reste pour l’instant inchangée.
> Quels points, seraient à modifier en priorité ?
Dr M. F-T : A mon avis, cette notion de « famille », en tant que couple hétérosexuel classique. Et peut être la notion de « mère » : qu’est-ce qu’une mère ? Est-ce que la donneuse est une mère ? Est-ce qu’une femme porteuse est une mère ?…
> Pensez-vous que la France autorisera un jour le recours aux mères porteuses ?
Dr M. F-T : Pour l’instant, il me semble que la France n’est pas prête. J’espère qu’un jour les lois vont changer par rapport à ça… mais je ne sais pas quand. Car cela nécessiterait toute une modification de la notion de famille, de la notion de maternité, et cela demande un gros travail.
Les autres propositions du projet de loi
Au-delà de l’aide médicale à la procréation (PMA), d’autres points sont abordés dans ce projet des lois bioéthiques :
– L’insémination par le sperme d’un conjoint décédé, resterait interdite. Mais le transfert d’un embryon congelé obtenu du vivant de l’époux, serait possible dans le cadre d’une FIV, jusqu’à deux ans après le décès.
– En cas de détection d’une anomalie génétique grave chez une personne, le médecin pourrait être habilité à informer les membres de la famille, dans le respect du secret familial.
– Dans le cadre d’un don de rein du vivant, les dons croisés seraient autorisés entre deux familles de donneurs-receveurs. Quand dans une famille, un des membres est d’accord pour donner son rein à un autre membre de sa famille, mais ne le peut pas en raison d’une incompatiblité biologique, il sera possible de faire appel à une autre famille qui est dans ce même cas de figure. Il sera ainsi possible d’effectuer des dons croisés. L’objectif est de favoriser les greffes de reins à partir de donneurs vivants qui ont de très bons résultats.
– Le sang de cordon ne serait plus considéré comme un déchet opératoire et son prélèvement serait encadré. D’ailleurs, de plus en plus de maternités proposent aux femmes enceintes d’effectuer un don de sang de cordon (
– La clause de révision systématique des lois de bioéthique tous les 5 ans, serait levée… Force est de reconnaître que les différents gouvernements ont du mal à se tenir à ce calendrier de révision de ces lois tous les 5 ans. Il faut aussi remarquer que cette dernière révision des lois de bioéthique n’apporte pas de grands changements par rapport aux dernières lois qui datent de 2004.